Le rapport de Rousseau à la fiction est à la fois essentiel et profondément ambivalent. Voulant consacrer sa vie à la vérité, comme en témoigne sa devise empruntée à Juvénal (Vitam impendere vero), il se fait connaître en condamnant les arts et la fiction sous toutes ses formes : comédies, tragédies, romans apparaissent à la fois comme les symptômes et les sources d’une redoutable corruption des mœurs. En janvier 1761, il publie pourtant Julie ou La Nouvelle Héloïse, immense roman qui connaîtra un succès foudroyant. En réalité, le paradoxe n’est qu’apparent : non seulement Rousseau avait déjà alors écrit diverses fictions, en particulier pour la scène (Le Devin du village et Narcisse sont représentés en 1752), mais un examen plus attentif de son œuvre montre que la modalité de la fiction est présente dans tous les régimes de discours philosophiques qu’il a pratiqués : elle joue ainsi un rôle fondamental dans l’élaboration théorique du Second Discours mais aussi dans l’Émile, essai pédagogique et anthropologique qui constitue le centre de son « système », et que Rousseau désigne lui-même comme « le roman de la nature humaine ».
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, (1755), éd. J. Starobinski, Gallimard, Folio essais, 1989 ou éd. Bruno Bernardi et Blaise Bachofen, GF Flammarion, 2008.
Rousseau, Lettre à D’Alembert sur les spectacles, éd. Marc Buffat, GF Flammarion, 2003.
Rousseau, La Nouvelle Héloïse, éd. E Leborgne et F. Lotterie, GF Flammarion, 2018.
Rousseau, Émile (1762), éd. André Charrak, GF Flammarion, 2009.
Rousseau, Les Confessions, éd. Alain Grosrichard, GF Flammarion, 2012.
- Enseignant.e: Christophe Martin