La philosophie a abondamment traité du problème du mal, lui-même décliné suivant les différents aspects que le terme recouvre : mal physique, mal moral, mal métaphysique. Il s’est notamment agi de se demander comment rendre raison du mal, s’il est seulement relatif à notre appréhension de la souffrance ou du déplaisir, ou encore, comment expliquer l’action mauvaise si les individus ne font rien d’autre que chercher leur bien. Nous souhaiterions prendre la question à rebours en interrogeant la notion de bien telle qu’elle fait son apparition en histoire de la philosophie dans les œuvres de Platon et d’Aristote. Le problème relève avant tout de philosophie morale : il s’agit de voir de quel bien l’on parle lorsqu’on dit qu’une action est bonne et donc ce que signifie au fond « bien agir ». Problème qui est au centre des considérations morales de Platon et d’Aristote. Ceux-ci partagent l’idée suivant laquelle bien agir conduit au bonheur mais se distinguent par leur manière de déterminer ce qu’est le bien : alors que Platon considère que le Bien est univoque, Aristote refuse cette thèse pour y substituer l’idée d’une analogie entre les différents biens. Cet écart est d’une importance considérable pour l’élaboration de leur éthique et donc de leur manière d’appréhender l’action vertueuse et la justice. Mais la difficulté soulevée par la notion de Bien est également d’ordre métaphysique et même, cosmologique : si l’on considère comme Platon que le monde est produit à l’image des Idées, elles-mêmes subsumées à l’Un-Bien, il s’agit de déterminer d’une part quelle signification recouvre ce terme (et s’il est possible de lui donner une signification) et de l’autre en quel sens il est possible de dire que le monde est bon. La solution aristotélicienne se construisant là encore contre la doctrine platonicienne, il nous faudra voir comment Aristote, qui refuse l’univocité du bien tout en posant que les choses sont mues par le désir du premier moteur, se distingue de la doctrine soutenue par Platon. Nous proposerons un parcours des pensées de Platon et d’Aristote en suivant le fil conducteur de ce problème sous forme d’un dialogue entre les œuvres de Platon et d’Aristote. Plus précisément, nous chercherons à mettre en avant les difficultés inhérentes à la doctrine platonicienne soulevées par Aristote tout en tentant de voir si l’on ne peut pas trouver, dans le corpus platonicien, des éléments de réponse à ces difficultés.